L\'Emir Abd el Kader

La fonction de la poésie comme lieu de manifestation des réalités supérieures chez Ibn Arabî (

 

La fonction de la poésie comme lieu de manifestation des réalités supérieures chez Ibn Arabî (partie1 )

 

Par Abdelillah Benarafa | le 25. novembre 2003 - 1:00

La poésie joue un rôle capital chez Ibn Arabi. Dans sa somme spirituelle, Les Illuminations de La Mecque, tous les chapitres sont coiffés de vers qui les introduisent et synthétisent l’enseignement akbarien relatif à ce chapitre. Ces vers sont donc la clé pour comprendre les points traités par Ibn Arabi. Mais au-delà de cette constatation, il est difficile de se faire une idée sur la position doctrinale de la poésie dans les 560 chapitres des Illuminations de la Mecque, mis à part le chapitre huit qui reste énigmatique pour ceux qui n’arrivent pas à percer ses secrets.

 
 
 
 

La poésie joue un rôle capital chez Ibn Arabi. Dans sa somme spirituelle,
Les Illuminations de La Mecque, tous les chapitres sont coiffés de vers qui les introduisent et synthétisent l’enseignement akbarien relatif à ce chapitre. Ces vers sont donc la clé pour comprendre les points traités par Ibn Arabi. Mais au-delà de cette constatation, il est difficile de se faire une idée sur la position doctrinale de la poésie dans les 560 chapitres des Illuminations de la Mecque, mis à part le chapitre huit qui reste énigmatique pour ceux qui n’arrivent pas à percer ses secrets. Nous savons qu’Ibn Arabi a laissé également une abondante production poétique éparpillée dans son œuvre ; mais également quelques recueils comme l’Interprète des désirs ou son Dîwân, tous deux publiés. A côté de tout cela, il y a également son grand recueil manuscrit appelé Diwan al ma’arif al-ilahiyya, (désormais D.M.) c’est-à-dire, recueil des connaissances divines.

Cet ouvrage monumental dont nous possédons quelques manuscrits est un monument à la gloire de la poésie. En effet, Ibn Arabi a rassemblé dans ce recueil l’ensemble de sa production poétique. L’ouvrage débute par une introduction magistrale sur le rôle doctrinal de la poésie. Ibn Arabi considère que la poésie n’est pas subordonnée à la prose ; mais au contraire, c’est la prose qui est secondaire par rapport à la poésie. Le terme choisi pour désigner la prose ne définit pas celle-ci comme une écriture spécifique.Le nathr (prose) n’est qu’un non-nazm. Lorsque la réflexion s’engagera sur l’écriture en prose, on utilisera le terme kitâba, l’écrivain n’est pas un prosateur mais un kâtib (écrivain. L’ordre est donc du côté du nazm (poésie). Il désigne une écriture qui établit ses éléments dans un rapport étroit d’organisation. L’étymologie du terme renvoie à l’ordonnancement d’un collier de perles. Le poème devrait donc être ordonné à l’image de perles disposées en série sur un fil (nizâm). Nous verrons plus loin, à propos du muwashshah (poème strophique) qui dérive du tawshîh, qu’il insiste sur l’idée d’ordonner les perles en série sur deux fils entrelacés.

Mais avant d’aborder ce recueil, il serait judicieux de percer certains mystères du chapitre huit des Illuminations de La Mecque, intitulé « de la connaissance de la terre créée du surplus d’argile d’Adam ». De prime abord, le récit que nous propose Ibn Arabi est d’une grande étrangeté. On le classerait volontiers dans le genre des mirabilia (ajâ’ib) de la littérature arabe. Mais derrière l’étrangeté apparaît au lecteur attentif et autorisé, un enseignement doctrinal relatant le Mundus Imaginalis, lieu où les impossibles deviennent possibles. Ce monde de l’imaginal est caractérisé par son étendue exceptionnelle. Ibn Arabi nous raconte dans ce récit fantastique son témoignage oculaire (shuhudan) et nous instruit sur cette terra incognita avec ses treize villes fantastiques et ses terres d’or, d’argent, de safran et de camphre...En fait, les villes sont une métaphore des degrés du monde, les quatre éléments plus les sept cieux plus la sphère des étoiles fixes (falak nujum at-tawabith) et enfin la sphère du zodiaque. Ensuite, Ibn Arabi parle de deux villes supplémentaires qui sont en fait le Piédestal (al-kursi) et le Trône divin (al-’arch). Ensuite Ibn Arabi parle des dix-huit rois qui règnent sur ces villes qui sont en fin de compte les organes sensoriels et les autres aptitudes chez l’homme comme le cœur et l’intellect. Cette description du microcosme comme reflet du macrocosme n’est pas nouvelle, on la trouve déjà chez Ghazâli, mais également chez les frères de la pureté (Ikhwân as-safâ) pour qui l’homme est une ville complexe. Mais il incombait au Sheikh al-Akbar de tracer de manière définitive les contours de cette doctrine.

Le récit qui nous intéresse du chapitre huit est celui relatif au vaisseau constitué de pierres, qui navigue sur une mer de sable et de terre. En réalité, Ibn Arabi parle ici de la poésie. Pour lui, cette métaphore remplace chaque élément du récit par son correspondant dans la poétique arabe. En effet, le poème est l’équivalent du vaisseau qui vogue sur une mer de sable, c’est-à-dire, le mètre dans lequel le poème a été moulé. Le mètre est dit en arabe bahr, c’est-à-dire mer. Les mots qui composent le poème sont les pierres qui forment le vaisseau. Le parallèle entre les deux est surprenant à première vue, mais quand on sait que la racine KLM indique l’idée de parole et également l’idée de blessure, nous ne sommes pas étonné. Or, les pierres peuvent blesser quand elles sont lancées sur quelqu’un . L’univers est une parole formée de kalimât. La création elle-même est le résultat du verbe divin. Les mots assemblés dans une unité appelé le vers composé de deux parties égales appelées sadr, poitrine et ’ajuz, derrière ; autrement dit, ce sont les deux hémistiches du vers arabe. Ibn Arabi les désignent par les deux flancs du navire. L’espace qui les sépare dans le navire est ouvert ; c’est-à-dire qu’il y a un blanc entre les deux hémistiches à l’écrit. Les piliers du système métrique sont appelés watad et qui sont les colonnes qui soutiennent le navire.

Il s’agit de la poésie considérée comme un vaisseau de pierre permettant de voyager sur une mer de sable. La poésie est donc un moyen privilégié pour voguer sur la mer des réalités suprasensibles dans le Mundus Imaginalis.

Pour confirmer ce point de vue sur la poésie, Ibn Arabi réitère dans la préface du D.M. le rôle éminemment majeur de la poésie dans le dessein divin. En effet, il déclare que les règles de la poétique arabe ont été posées par Dieu. Ces règles sont l’éloquence, l’harmonie et la symétrie.

P
الحمد لله الذي خلق الإنسان وعلمه البيان وأنزل المقادير والأوزان وأبدع الأرواح وخلق الأبدان ورتب الأمور في جميع الأكوان على أحسن نظم وأبدع إتقان. عطف بآخره على أوله وألحق أبده في نفي النهاية بأزله وجعله متجانس الصور متماثل السور فكأنه قريض على روي التوحيد ينطق بلسان التحميد فهو كلماته التي لا تنفد وسلطانه الذي لا يبعد. جعل الوجود سبحانه كبيت الشعر في التركيب والنظم وخصه بما خص به الشعر من الحكم، فجعله قائما على سببين محفوظا بوتدين، سبب خفيف وهو عالم الأرواح وسبب ثقيل وهو عالم الأشباح. ووتد مجموع وهو حال التركيب والإنشاء ووتد مفروق وهو حال تحلل الأجزاء. فمدار الخلائق على هذه الحقائق. والعالم كله موزون مربوط الروي على الصراط السوي. وإن الله جل ثناؤه وتقدست أسماؤه نظم جواهر المعارف في سلك النظم والنثر عناية وصيرها في جيد أرواح العارفين عقدا، وحكم سرائر اللطائف في ملك العلم والزجر ولاية, وجعلها في يد أرواح الواثقين قصدا فاقتنصوا بحبالة النظم طيور المعارف من جو التقديس وحصلوها محفوظة بسيما العصمة من التخمين والتلبيس سدلوا على محاسن وجوه الأسرار المقدسة براقع الرموز والألغاز خيفة عليها عند وقوعها على شاطئ المجاز من صائبات ألحاظ المدعين عند الإلحاظ، وألبسوها السابقات الذيول الصافيات الأردان من حلل العبارات والإشارات والألفاظ إشفاقا على المنكرين عند الإلتفاظ. واصلوا فأجملوا وفصلوا فجملوا فرضي الله عن تلك النفوس الطاهرة النقيات أرواح القدس المتطاهرة، وصلى الله على أفصح الفصحاء وأبلغ البلغاء سيد الأنبياء المؤتى جوامع الكلم المخصوص بفنون الحكم وعلى آله وسلم."

Le lecteur arabe est très familier avec ce genre de doxologie qui introduisent généralement les ouvrages arabes classiques. La différence avec Ibn Arabi est l’importance des mots qui sont consignés ici. On trouve par exemple les mot-clés comme bayân, maqâdir, nazm, qaîd, rawiy, baytu shi’r, sabab, watad... Or ces termes font partie du lexique de la poétique arabe.

L’ordonnancement de l’univers ressemble à celle de la poésie. L’un et l’autre sont de facture divine. L’univers repose sur deux cordes sabab, l’une, subtile, c’est-à-dire le monde spirituel ; l’autre dense, qui est le monde corporel. Ibn Arabi continue à poser les correspondants du verbe divin rythmé par la poésie, et de l’Etre. La fonction de la poésie ne peut être donc que sacrée. Nous sommes loin des jugements de certains juristes musulmans sur la poésie. Le débat houleux sur cette question entre les exégètes est vidé de toute son ardeur puisque la primauté revient à la poésie pour chanter le monde. Une question pourtant se pose : Pourquoi Dieu a-t-il innocenté son envoyé d’être poète lorsque sa tribu l’a qualifié ainsi ? Ibn Arabi nous dit que la poésie est le lieu de la métaphore, du symbole, de l’ambiguïté et de l’équivoque ; or, la fonction du messager est le contraire de tout cela. Son message doit être le plus clair possible pour éviter les mauvaises interprétations. Un messager est un législateur, son discours ne peut souffrir d’aucune ambiguïté sinon c’est l’ordre de la Umma qui en sera affecté. Cette distinction méthodologique pose le problème de l’herméneutique du texte. Comment peut-on expliquer la parole sacrée ? Comment expliquer la différence d’interprétation des exégètes ? Pourquoi le Prophète loua-t-il la différence d’interprétation de la Umma comme étant une miséricorde accordée par Allah ?

Il faut dire que la Religion est un grand cercle qui organise la vie des hommes et chaque degré d’existence doit obéir à certaines règles qui sont un garde fou contre toute mauvaise interprétation. Dans le texte sacré, il y a des éléments qui relèvent de la Loi . Tout écart par rapport à celle-ci est condamnable s’il ne prend pas en compte ces règles fixées par le législateur. Bien sûr, il y a des lieux de divergence prévus par celui-ci ; mais elles ne s’expriment pas en dehors du cercle de la Loi. D’où la diversité des écoles juridiques. La loi fait appel à la raison et à l’analogie appliquées au texte. L’interprétation de la foi est plus limitée et son garde fou est le modèle prophétique lui-même. Il ne faut pas qu’il y ait trop d’écart par rapport à ce modèle. La foi relève de l’ittibâ’, c’est-à-dire de la filature du modèle. L’écart est considéré comme ’ibtidâ’, c’est-à-dire innovation blâmable. Or la foi appelle la certitude puisqu’elle n’est pas démontrable comme l’était la Loi. Enfin, la vérité (al-haqîqa), lieu de l’absolu par excellence. Les chevaliers de cette sphère sont les gens de Dieu. L’interprétation ici est foudroyante. Il est même déconseillé de lire certains ouvrages. L’histoire nous a gardé un certain nombre de fatwas (avis juridique) relatifs à ce sujet. De grands juristes se sont prononcés pour interdire aux novices de consulter les livres d’Ibn Arabi et d’autres puisque le danger était grand de confondre les lieux de parole du Sheikh. Il y a des fois où il parle en tant que juriste ; d’autres fois en tant que soufi et ainsi de suite. Nous savons qu’Ibn Arabi a écrit un ouvrage d’exégète coranique de soixante dix tomes et qu’il ne l’a pas terminé. Il nous informe dans les Illuminations de la Mecque que chaque verset est interprété chaque fois selon trois modes différents : beauté, puissance et perfection. Les deux premiers points de vue sont des contraires. Le troisième en est la synthèse.

Ainsi, Ibn Arabi explique pourquoi le messager d’Allah n’était point poète. Le message divin répugne à la confusion. La fonction du messager est le bayan, l’éclaircissement. Or, la poésie chante l’ambiguïté et appelle la multiplicité des lectures. Elle est pour cela le moyen privilégié pour voyager dans le Mundus Imaginalis. Les réalités supérieures sont difficilement appréhendées dans un langage clair. Leur mode de transmission est la toute puissante poésie. Beaucoup en seraient affectés dans leur foi si les secrets de ces réalités étaient banalisés dans un langage sans relief.

Mais comment Ibn Arabi en est venu à la poésie ? La réponse à cette question nous est donnée dans la préface du D.M.

واعلموا أنه لم يكن الشعر من شأني ولا نطق به قبل هذا المشهد الذي أنا أذكره لساني. فإني ما زلت مذ قلدت الحمائل بدلا من التمائم أمتطي الجياد وأقدُم الأجواد بجَلسة ورثتها من الأسلاف والأجداد وأنظر في صحائف الدفاتر وأجول بميادين العساكر لا بمجالس المناظر، لم أغش قط معاني الأدب ولا أنضيت إليه ركاب الطلب لست سوى [ على] دين العجائز. وأرى أنه من أسنى المواهب والجوائز. لا أفرق بين العلم وأضداده ولا أميز مراتب وجوده في عباده، ولم أزل على ذلك مدة من الزمان إلى أن نظر إلي بعين عنايته الرحمن فوجه إلي في المنام محمدا وعيسى وموسى عليهم الصلاة والسلام. فأما عيسى فأمرني بالزهد والتجريد. وأما موسى فأعطاني قرص الشمس وبشرني بالعلم اللدني من علوم التوحيد. وأما محمد r
فقال لي : استمسك بي تسلم. فاستيقظت باكيا وقطعت بقية ليلي تاليا وتجردت في زعمي على طريق الله وأعملت ركاب الهمة في نيل ماله كل حليم أواه...

وكان سبب تلفظي بالشعر : رأيتفي الواقعة ملكا جاءني بقطعة نور بيضاء كأنها قطعة نور الشمس فقلت ما هذه : فقيل لي : سورة الشعراء، فابتلعتها فأحسست شعرة انبعثت من صدري إلى حلقي إلى فمي حيوانا لها رأس ولسان وعينان وشفتان فامتدت من فمي إلى أن ضربت برأسها الأفقين، أفق المشرق والمغرب ثم انقبضت ورجعت إلى صدري فعلمت أن كلامي يبلغ المشرق والمغرب. ورجعت إلى حسي وأنا أتلفظ بالشعر من غير روية ولا فكرة وما زال الإمداد إلي هلم جرا."

Ibn Arabi nous raconte dans ce passage sa première rencontre avec la poésie, alors qu’elle était étrangère à son monde. Il nous renseigne sur une partie de sa vie où il faisait partie de l’armée almohade et ensuite de son travail de secrétaire à la même cour almohade. Après cette période, il voit en songe les trois envoyés Jésus, Moise et Mohamed qui l’instruisent chacun d’une chose. Le premier lui enseigna l’indigence et le dépouillement ; le second la science de chez Moi (’ilm ladunni) et lui donna le disque solaire. Le troisième enfin, lui demanda de le suivre. Ensuite, il nous parle d’une seconde vision où il voit un ange qui lui apporte la sourate des poètes toute éclatante de lumière et il l’avala. Il sentit un cheveu pousser dans sa poitrine et grossir pour devenir un animal avec une tête, une langue, deux yeux et deux lèvres. L’animal jaillit de sa poitrine pour couvrir les deux horizons, l’orient et l’occident et ensuite se rétracta à son point de départ. Ibn Arabi commente cette vision en disant que sa parole atteindrait l’orient et l’occident. Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur le rapport entre la sourate des poètes (shu’ara) et le cheveu (sha’ra) ainsi que la poésie (shi’r). Ils dérivent de la même racine. A cela s’ajoute le shu’ur (perception). La racine SH.’.R (شعر) exprime l’idée de connaître de manière immédiate et globale. La poésie est donc le lieu de cette connaissance immédiate fulgurante. La vocation d’Ibn Arabi pour la poésie s’est bâtie donc d’après ces deux visions sous l’autorité des trois grands messagers, Jésus, Moïse et Mohamed, mais également sous le magistère du Coran et notamment la sourate des poètes (Shu’ara). Cette sourate est la quatre-vingt-huitième à partie de la liminaire (fâtiha). Or 88 est la valeur numérique de l’expression Habib Allah ( l’Aimé d’Allah) à savoir Mohamed sur qui la révélation est descendue. Ainsi, Ibn Arabi clôt le faux débat sur la légitimité de la poésie à exprimer les réalités supérieures. Le Prophète ne s’est pas exprimé en poésie non parce qu’elle est de nature blâmable et inférieure mais parce qu’elle est le lieu du shu’ur, cette connaissance subtile faite de symboles et d’allusions. Or, il incombe au législateur de s’exprimer sans ambiguïté.

Le bayt as-shi’r, littéralement, la maison de la poésie est donc à l’image du bayt ash-sh’ar, maison en poil du bédouin, c’est-à-dire la tente qui vogue sur un océan de sable. Le poème est un vaisseau qui permet de voyager à travers les réalités supérieures comme l’est la tente du bédouin qui se déplace dans l’immensité du désert. L’initiation est donc un voyage à travers le langage poétique apte à décrire les subtilités du Mundus Imaginalis. La poésie pour Ibn Arabi est aussi un mur constitué de pierres, c’est-à-dire de mots. Le mur de la poésie correspond à l’image donnée par le Prophète sur le mur de la Prophétie constitué de briques qui sont les Prophètes. Il manquait une brique à ce mur qui fut rempli par le sceau des Prophètes. Ibn Arabi lui-même a eu une vision similaire où il s’est vu combler l’emplacement de deux briques, une en or et l’autre en argent, sur le mur de la walaya ou sainteté. Or Ibn Arabi est le sceau de la sainteté Muhammadienne qui est l’héritier par excellence du Prophète.

A suivre..

 

 

 

 

fonction de la poésie comme lieu de manifestation des réalités supérieures chez Ibn Arabî (partie 2 et fin)

 

Par Abdelillah Benarafa |

Le muwashshah, connu en Occident sous la dénomination de « poésie strophique », constitue une innovation littéraire de l’occident musulman médiéval. Apparu à la fin du IIIe/IXe siècle en Andalus, Espagne musulmane par un poète aveugle de Cabra, Muqaddam b. Mu’afa. Il opéra une rupture avec la poésie arabe classique. Le muwashshah innove en passant outre les limites de la composition poétique fixée par al-Khalîl al-Farâhîdî (m. 170/786), théoricien et inventeur de la métrique arabe basée sur le décompte syllabique.

 

 
 

 

 

 

 

La poésie strophique (muwashshaah)

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Venons maintenant à la production poétique d'Ibn Arabi. Nous laisserons de côté ses poèmes classiques et nous parlerons de sa poésie dite strophique (muwashshah). Mais avant cela, disons un mot sur cette dernière.


Le muwashshah, connu en Occident sous la dénomination de « poésie strophique », constitue une innovation littéraire de l'occident musulman médiéval. Apparu à la fin du IIIe/IXe siècle en Andalus, Espagne musulmane par un poète aveugle de Cabra, Muqaddam b. Mu'afa. Il opéra une rupture avec la poésie arabe classique. Le muwashshah innove en passant outre les limites de la composition poétique fixée par al-Khalîl al-Farâhîdî (m. 170/786), théoricien et inventeur de la métrique arabe basée sur le décompte syllabique. En effet, le muwashshah déborde le cadre de l'unicité du mètre et de la rime pour composer un poème, comme c'était le cas dans la poésie classique. L'innovation déborde le cadre strictement formel pour toucher l'expression par la légèreté du ton dans une langue vernaculaire et parfois même, l'emploi de mots empruntés à la langue de la population indigène, le roman, dans les kharja, une sorte d'envoi, c'est-à-dire, les vers finaux des poèmes. Sur le plan de l'histoire linguistique, les kharja constituent la plus ancienne trace écrite du parler ibérique médiéval très proche du latin vulgaire. Les andalous-maghrébins ont introduit également une nouvelle thématique différente du modèle classique. Selon Ibn Qutayba (213-276 / 828-889) critique littéraire de l'âge classique, dans son ouvrage shi'r wa shu'ara' (poésie et poètes), la poésie doit comporter quatre séquences :

  1. Evocation (dikr) de campements et de leurs vestiges (atlâl), le poète pleure, se plaint, apostrophe les lieux (wuquf)

  2. Il enchaîne par le nasîb où il « déplore la violence de sa passion... afin de gagner les cœurs, de tourner vers lui les visages et d'obtenir l'attention des auditeurs. Lorsque le poète est assuré de l'attention qu'on lui accorde et de l'écoute qu'on lui prête, il poursuit pour réclamer ses droits ».

  3. En marche vers le protecteur (rahîl), le poète se plaint de sa peine et de ses fatigues.

  4. Enfin l'éloge (madîh).

Ibn Qutayaba insiste beaucoup dans sa théorie poétique sur le maintien d'un équilibre entre les différentes séquences du poème. La qaçîda (poème) suit un mouvement. Le poète doit être conscient de cette suite et des proportions entre les séquences. Or, cette conception était nouvelle à l'époque puisque la réflexion des philologues arabes portait exclusivement sur le vers. La théorie poétique pour eux se limitait exclusivement au vers. C'est sous cette forme atomisée qu'est saisie l'œuvre d'un poète. Pour Ibn Arabi, la théorie poétique déborde le cadre du vers pour celui du poème décrit comme un vaisseau de pierres naviguant sur une mer de sable. Il rejoint en cela Ibn Qutayba et le dépasse par la primauté qu'il accorde à la poésie sur toute autre forme d'écriture. D'ailleurs, certains thèmes fondamentaux sont exclus chez Ibn Qutayba ; alors qu'ils sont l'essence même de l'écriture des poètes soufis comme les poèmes khamriyyât (du vin éternel) et les zuhdiyyât (ascètiques).


Le muwashshah est un trait d'union entre musulmans et chrétiens et fournit un puissant élément de réponse à la question des rapports entre la poésie hispanique et celle des troubadours. Le muwashshah aurait pu devenir une cause de rupture entre l'Andalus et l'orient arabes, mais celui-ci se mit à imiter l'occident musulman et à composer à son tour des muwashshahât. S'il faut trouver un lieu où l'indépendance culturelle de l'Andalus s'est exprimée, le muwashshah en donne la preuve éclatante. Mais, malgré l'originalité de ce genre littéraire, les anthologies littéraires de l'époque répugnaient à le considérer comme digne de figurer dans l'histoire littéraire des arabes. En effet, le muwashshah était à juste titre regardé comme populaire et indigne d'être cultivé par les poètes de formation classique qui, ne cessèrent de suivre la tradition orientale et ne tardèrent pas à trouver leur modèle idéal dans l'œuvre d'al-Mutanabbî. Une exception toute fois est celle des soufis et à leur tête le Sheikh al-'Akbar Ibn Arabi, qui non seulement usait du muwashshah, mais surtout l'a employé pour exprimer les réalités supérieures. Il a donc ouvert la voie à ceux qui sont venus à sa suite à l'instar du grand poète soufi andalou-maghrébin Abul-Hassan Shushtarî.


Le muwashshah par sa légèreté de ton et sa souplesse de composition se prêtait mieux au chant. D'après Tifâshî (VIIe / XIIIe s.) « les gens d'al-Andalus chantaient à la manière des chrétiens et des chameliers arabes » ; cette remarque est trop succincte pour être exploitée, mais on peut en déduire un goût précoce pour le chant, qui aboutira par la conjonction de deux lyriques, bien qu'éloignées l'une de l'autre, à se mêler et donner naissance au muwashshah. L'histoire du muwashshahât se confond donc avec celle de la musique et ceci malgré la réticence des historiens bien pensants à l'égard de ce genre littéraire. Transmis oralement par les générations de musiciens et de chanteurs qui se sont succédés, la poésie strophique andalou-maghrébine a été sauvée de l'oubli malgré l'anonymat des poètes qui l'ont créée. Aujourd'hui, étroitement lié à la musique arabo-andalouse et au samaa, le muwashshah n'en finit pas d'émerveiller tous ceux qui s'y intéressent.


Le rôle d'Ibn Arabi est capital, lui en sa qualité de doctor maximus, pour légitimer ce genre littéraire. D'ailleurs, à sa suite le plus grand homme de lettres d'al-Andalus, Lisan ad-Din b. al-Khatîb trouvait normal de composer plusieurs dizaines de muwashshahât. Grâce à l'autorité d'Ibn Arabi, le muwashshah et son rapport privilégié avec le chant ouvrait la voie vers son utilisation dans le samaa. La tradition qui nous est parvenue en serait affectée, si par malheur, le muwashshah n'y figurait pas en bonne place. D'ailleurs, bon nombre de poètes étaient également musiciens comme shushtarî. Ils avaient conscience que pour tirer un muwashshah de l'oubli, le meilleur moyen est de le composer en imitant un modèle préexistant. Cette pratique ne relève pas du plagiat puisque sa fréquence est telle chez la plupart des poètes qu'il est difficile de la réduire à du simple plagiat. L'histoire littéraire des arabes appelle ce phénomène mu'ârada (pastiche). Le recueil du grand poète soufi marocain al-Harrâq en est la parfaite illustration. Il n'y a presque pas de muwashshah ou barwala qui ne soient pas pastichés par ce grand nom du soufisme et du samaa.


Le grand théoricien égyptien du muwashshah Ibn Sanâ' al-Mulk dans son ouvrage « la maison de la broderie » dar at-tirâz nous parle d'un type de muwashshah qu'il appelle le mukaffir (expiateur) qui peut être considéré comme l'ancêtre du muwashshah soufi. En effet, le mukaffir est souvent utilisé dans les compositions à caractère ascétique (zuhd). Il a fallu attendre Ibn Arabi pour changer la donne complètement. La perspective n'était pas la même puisque le mukaffir venait à la suite de poèmes composés dans des thématiques profanes et licencieuses. Sa fonction était d'expier cela ; tandis que le muwashshah soufi se pose d'emblée dans une thématique nouvelle. La période historique était propice au développement du soufisme, le muwashshah était donc le porte parole de cette orientation grâce au chant et au samaa. Mais, en réalité, la composition du muwashshah était due à la mélodie préexistante à celui-ci. Le poème venait en fait remplir un air célèbre, d'où le phénomène de la parodie et du pastiche.


Ce qui caractérise les mushshahât d'Ibn Arabi est le phénomène du pastiche. En effet, Ibn Arabi a largement usé de cette technique. Voici quelques exemples de la kharja (vers finaux) :


> > > > >

قد بدا ما شاله الواقف في زعمه


وغدا أدنى له العاكف في حكمه


منشدا ما قاله السالف في نظمه


الجمالْ وقف علــــى ظبي بني ثابتِ


لا زوال في الحب لا عن عهده الثابت


> > > > >

Ce prédécesseur dont il est question est le poète Ibn 'Ubâda al-Qazzâz, qui dit :


> > > > >

كم يتيهْ وكم وكم يأبى الجوى أن يحــولْ


أرتضيه وإن حكم حكم الهـوى في العقول


قلت فيه والحب لم يرض سوى ما أقــــول


الجمال وقف على ظبي بني ثابت


لا زوال في الحب لا عن عهده الثابت


> > > > >


Un exemple où il pastiche le poème d'Ibn Baqqî faisant l'éloge de ses mécènes Banû al-'ashara à Salé. Le prélude du poème d'Ibn Baqqî constitue une kharja pour Ibn Arabi. Il faut signaler qu'Ibn Baqqî lui-même a pastiché ce poème du grand washshâh al-A'mâ at-Tutîlî.


Kharja

d'Ibn Arabi :

> > > > >

لما رأى العــــاذلْ ما أمَّـــــــــــــــلا


وقال للسائـــــــــل هذا ســــــــــــــلا


أنشدت للقائــــــــل إذ علـــــــــــــــلا


مالي شمـــــــــــــــــــــــــــــــــولْ إلا الشجــــــــــــــــــــــــــــون


مزاجها في الكـــــــــــــــــــــــاس دمع هتــــــــــــــــــــــــــــــون


> > > > >

Un troisième exemple est celui du grand poète andalou Ibn Quzmân qui dit :


> > > > >

جاني الحبيب فميمتو فوّاحْ


كانه قد أكل بها تفـــــــــاح


فقلت لُ، ولي في الكلام راح


حبيبي أين أكلت التفاح


جيءْ اعملْ لـــــي أحْ


> > > > >

Et voici ce que dit Ibn Arabi :


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فاح الندى من عرف محبوبي


إن كان ما بدا منه مطلوبــــي


فصحت يا منايَ ومرغوبــــي


حبيبي إن أكلت التفاح


جيءْ واعمل لــــي آح


Un autre exemple de pastiche qu'Ibn Quzmân lui aussi reprend et dont on ignore le compositeur.


> > > > >

أنا محبّي وحبّْيَ المحبـــــوبْ


وطالبي والطِّلاب والمطلوب


أنشد من غيرة وقد شكا


منى نسيم الرياض ما هتكا


يا عود الـــزان قم ساعدني


طاب الرمـــان لمن يجني


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Un autre exemple où il pastiche un poème très célèbre d'Ibn Zuhr :


> > > > >

أيها الساقي اسقني لا تأتلِ


فلقد أتعب فكري عذَّلــــي


ولقد أنشده ما قيل لـــــــي


أيها الساقي إليك المشتكى ضاعت الشكوى إذا لم تنفع


> > > > >

Un autre poème d'éloge très célèbre d'Ibn Bâja (Avempace des latins) a été pastiché :


> > > > >

وجارية باتت تغنيــــــــه


وتومي إلى الغير وتعنيه


وما تبتغي إلا تَعَنِّيـــــــهِ أجررُّ ذيلي أيما جرِّ وأوصل منك السكر بالسكر


> > > > >

Le dernier exemple de parodie que nous citerons ici est très significatif puisqu'il est le seul à être écrit dans une langue dialectale, le zajal par Ibn Arabi. Le modèle en revient au grand Ibn Quzmân qui dit : et Ibn arabi :


> > > > >

العبد إذا أفرط لا بد يندم من أول العاشور فكر في عيدك


ويعملُ الحيله ولا يفيد ثمْ الحيلهْ وقت الضيق يالسْ تفيدك


فقلت قال قبلك من قد تقدمْ مُرْ اشترِ كبشك على اختيارك


من أول العاشور انظر في عيدكْ


الحيلهْ وقت الضيق يالس تفيدك


> > > > >


Nous voyons à travers ces exemples qu'Ibn Arabi a choisi de pasticher tous les grands noms du muwashshah pour au moins deux raisons :

  • D'abord faire diffuser les connaissances supérieures dans les milieux populaires grâce au
    muwashshah qui permet une légèreté de ton, la facilité de la langue et même le choix du dialectal, mais aussi le choix d'une mélodie très populaire, celle du
    muwashshah parodié.

  • Ensuite essayer de donner au muwashshah et au zajal leur lettre de noblesse parmi les genres littéraires. L'histoire ne l'a pas démenti puisque cette poésie des petites gens à réussi à s'implanter dans tous les milieux. Les porte-paroles de cette littérature étaient les corporations d'artisans, les musiciens et les milieux soufis.

Conclusion

: Vu le rapport étroit de la poésie et du muwashshah tout particulièrement, avec la musique et le chant, il n'est pas nécessaire de conclure qu'Ibn Arabi s'est évertué à enrichir la tradition du samaa par sa monumentale production poétique passant d'un registre à l'autre sans aucune difficulté. On pourrait conclure en disant que grâce à Ibn Arabi, le muwashshah a eu un grand essor et fut préservé grâce à la tradition du chant et du samaa. La question de la position d'Ibn Arabi à l'égard du samaa n'a plus de sens eu égard à ce qui vient d'être dit ; mais cela ne nous empêche pas de lever l'ambiguïté sur ce point puisque certains pensent bien dire qu'il était hostile au samaa, alors qu'il n'en est rien. Voici un texte sur sa position du point de vue de la loi au chapitre 183 des Illuminations de la Mecque : « notre position juridique (à propos du samaa), est que celui qui maîtrise son ego ne doit pas appeler le samaa, et s'il se présente il ne quitte pas (les lieux où il se produit). Nous le considérons licite dans l'absolu puisque rien de ce qui nous est parvenu du Prophète ne permet de l'interdire »

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"وأما مذهبنا فيه فإن الرجل المتمكن من نفسه لا يستدعيه وإذا حضر لا يخرج بسببه. وهو عندنا مباح على الإطلاق لأنه لم يثبت في تحريمه شيء عن رسول اللهr
"


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Dernière remarque à relever dans Le grand recueil manuscrit D.M. est qu' à partir du folio 203b apparaît une brève présentation des poèmes signalant au lecteur une information pleine de sens. Voici ce qu'il dit par exemple en introduisant un célèbre poème où il dialogue avec une belle fille des roums lors de sa procession autour de la Kaaba :


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والروح حيرة، والخاطر غيرة، والسماع تعريف


ليت شعري هل دروا أي قلب ملكــــــــــوا


وفؤادي لـــــــو درى أي شعب سلكــــــــوا


أتراهم سلِمـــــــــــوا أم تراهم هلكــــــــــوا


حار أرباب الهـــوى في الهوى وارتبكـــوا


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Le rûh du poème (esprit) réfère à la source qui préside à son inspiration ; son khâtir (suggestion) à sa perception intellectuelle ; son samaa, enfin, à son audition. Dans ce cas précis , l'esprit du poème est perplexité, annoncée dans le dernier vers ; sa suggestion est jalousie ; son audition doit se faire sous l'angle de la connaissance.


Nous ne connaissons aucun auteur qui a poussé ses lecteurs à lire ses poèmes en leur donnant des clés de lecture et d'interprétation selon trois degrés différents. Le palier supérieur est celui du rûh (esprit). Son corollaire est le palier inférieur du khâtir (suggestion). Le troisième, celui du samaa (audition) est la passerelle intermédiaire qui relie les deux, mais aussi l'auditeur du poème au poète lui-même. Pour Ibn Arabi, la fonction de la poésie et du samaa qui lui est afférent doit s'effectuer selon ces dispositions. La poésie ainsi esquissée est une science sacrée basée sur une autre science sacrée, le rythme. Cette poésie sacrée est l'image sur le plan humain de la langue des oiseaux, c'est-à-dire la langue angélique qui rythme le monde des réalités supérieures. Or, grâce à la poésie, au sens décrit ci-dessus, il est possible de rentrer en communication avec ce monde suprasensible. Selon une tradition musulmane, Adam dans le Paradis terrestre parlait en vers, c'est-à-dire en langage rythmé comme le font les Livres sacrés. La poésie des origines était une science sacrée, mais depuis lors, elle a entamée son cycle de dégénérescence pou aboutir à cette vaine littérature moderne.


Pour conclure, voici un muwashshah d'Ibn Arabi où l'on voit son aptitude à mouler les connaissances supérieures dans une forme simple et légère :



 

مطلع


عين الدليل على اليقين الزيت والنبراس للناظرينْ


دور


لأنه النائب في ستره


وهديُهُ الغائبُ في كفرهِ


وسهمه الصائب في نحره


حقا أقول يا غافليـــــن معارفُ الأكياس على فنونْ


دور


لله ما أحلى طعم المذاق


بالمنظر الأعلى عند المساق


آياته تتلى على اتِّساق


ليل طويل صبح مبين كأنه إلياسُ في المرسليـن


دور


لو أنَّ إدريساً إذ أعرضا


عليلَه يُوسَى ما مَرَّضا


وجاءه عيسى مع القضا


على السبيل يبدي الأنين من علة الإفلاس مع القرين


دور


قد قال من قالا بعلمــــــهِ


بأنه نـــــــــالا من حكمه


وعنه ما زالا في زعمه


كذا يقول وهو الظَّنيـن وساوسُ الخناسِ عند الظَّنونْ


دور


لما رأى العاذلَ ما أمَّـــلا


وقال للسائـــــلِ هذا سـلا


أنشدت للقائلِ إذ علَّلا


ما لي شمول إلا الشجون مزاجها في الكاسِ دمعُ هتون


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Bibliographie

: المراجع :

ابن العربي الحاتمي : الفتوحات المكية، دار الفكر ، بيروت، لبنان 1994


ديوان ابن عربي، دار صادر، بيروت، 1999


ترجمان الأشواق، دار صادر، بيروت 1966


ديوان المعارف الإلهية في مجلدين (مخطوط). BN 2348 باريس.


عبدالإله بنعرفة : "طسم : نهد الحكمة أو الشعر : ترجمان الأشواق وترجمان الأذواق" ضمن كتاب : الحكمة والفنون الإسلامية العريقة، دار القبة الزرقاء، مراكش المغرب 2000 .


ـــــــــــــــــــــ : الموشحات كترجمان عن الأذواق الصوفية، ندوة محمد الحراق، تطوان المغرب 31-30 مايو 2003 من تنظيم المجلس العلمي لتطوان.


ـــــــــــــــــــــ : رحلة طيور القلب لدائرة ملك القاف، مجالس تجديد الأدبيات السلطانية، ندوة دائرة الملك بدار الإسلام, قصر الباهية، مراكش، المغرب 14 يونيو 2003 .


أنخل جونثالت بالنثيا Angel Gonzalez Palencia : "الشعر الأندلسي وتأثيره في الشعر الأوربي" ضمن كتاب : الأدب الأندلسي من منظور إسباني، ترجمة الدكتور طاهر أحمد مكي، مكتبة الآداب، القاهرة، 1990 .



Abdelillah Benarafa : « La Grammaire universelle des cœurs » in oumma.com, 06 octobre 2000.


Claude Addas : « A propos du Dîwân al-Ma'ârif d'Ibn Arabî » in, Studia Islamica, n°81, 1995, G.-P. Maisonneuve-Larose, Paris.


ــــــــــــــــــــــــــ : « Le vaisseau de pierre » in, Connaissance des Religions, n° 49-50, janvier-juin 1997.


Roger Deladrière : « The Dîwan of Ibn 'Arabi » in, Journal of the Muhyiddin Ibn 'Arabi Society, n°15, 1994, London, Oxford.


René Guénon : "la langue des oiseaux" in Symboles fondamentaux de la science sacrée. Gallimard, France 1962.

 

 



07/08/2012
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