Le Jugurtha d'arthur Rimbaud (1854-1891)
Jacques Demorgon
Voyage à travers le temps et les espaces, l’itinéraire est lent et sinueux,
comme à travers une « terra incognita ». Un Rimbaud nouveau transparaît, une
nouvelle image du poète se construit au fur et à mesure de la lecture. En plus
du «voyant», il y a le Rimbaud «clairvoyant», intellectuel en herbe, ayant très
tôt saisi le mouvement de l’Histoire et la dimension spirituelle de l’Homme
et qui opposera dans son poème, Jugurtha le Numide, et sa «réincarnation»,
l’Emir Abdelkader, le «Lion des Arabes», au mythe de l’«Afrique Latine» et son
corollaire, celui de l’«Algérie Française ».
Dans cet ouvrage, composé de huit «tableaux», Abdel-Jaouad procédera sur quatre
chapitres à une lecture fouillée du poème, en recourrant à toutes les ressources
de l’analyse textuelle, de la rhétorique classique à la sémiotique en passant
par la psychocritique. Il soulignera le caractère polysémique et polyphonique du
texte en analysant les sources intertextuelles les plus évidentes invoquant tour à
tour Salluste et son
Bellum jugurthurinum, Virgile et son Tu Jugurtha iris
, Victor
Hugo et ses
Châtiments et enfin Guez de Balzac et ses Lettres
.
Le cinquième chapitre sera consacré à une lecture symbolique et «cabalistique»
du poème:
Jughurta
représente dans l’oeuvre de Rimbaud les premiers
exemples du dualisme Occident-Orient. Une lecture anagrammatique suivra
pour contrer celle de Jean Louis Cornille selon laquelle on y retrouve voilé
Synergies
Algérie
n° 2 - 2008 pp. 207-224
Analyses d’ouvrages récents
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Abdel-Jaouad, Hédi. Rimbaud et l’Algérie
. New York-Tunis:
Les Mains Secrètes, 2002, 174 Pp.
Rimbaud et l’Algérie
est un ouvrage original, riche, que nous offre
Hedi Abdel-Jaouad, résultat d’une lecture croisée, multiple, de
Jugurtha
, un poème en latin d’Arthur Rimbaud, rédigé à l’âge de 15
ans (!) pour un concours littéraire et auquel la critique n’a accordé
que peu d’attention quand elle ne l’a pas sciemment occulté.
Par cet effort, Abdel-Jaouad a voulu «combler une lacune dans les
études rimbaldiennes » et « montrer que l’Algérie sous le joug du
colonialisme néo-latin, terre, langue et peuples, a été, et dès le
début, présente et agissante dans l’univers affectif et poétique de
Rimbaud.» (2-3).
208
le nom du véritable héros de cette allégorie, l’Empereur Napoléon III. Abdel-
Jaouad pense qu’il s’agit au contraire d’un discours ironique qu’a permis le
recours à la prosopopée.
L’ombre du père dominera les deux chapitres suivants. Officier de l’armée coloniale
en Algérie, Frédéric Rimbaud abandonnera sa famille alors que le poète n’avait
que six ans et ne laissera dans la mémoire de son fils que le poids d’une absence.
Pour Abdel- Jaouad,
Jugurtha
est un poème-miroir dont le vrai destinataire serait
le personnage fantasmatique du père, un investissement narcissique du poète
pour le faire sortir de l’oubli et du silence imposés par la mère.
L’ouvrage se termine par les traces rimbaldiennes dans la littérature algérienne
de langue française, notamment chez Jean Amrouche, Kateb Yacine, Jean
Sénac, Malek Alloula, Habib Tengour et Isabelle Eberhardt.
Abdeljouad, généreux, nous gâtera en nous offrant en appendice une excellente
traduction du poème réalisée par Chédly Abdel-Jouad et Radhia Abboud et
transcrite par Hésa al Thani ainsi qu’une courte étude sur la réception de
Rimbaud en langue arabe sous le titre évocateur de
Rimbaud d’Arabie
.
Saddek Aouadi
Université d’Annaba, Algérie
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