Cultures / Causerie
En mémoire de l'Emir Abdel Kader
par Jean-Pierre Villeléger
Le dernier festival de Cannes a placé sous les projecteurs divers aspects des relations franco- algériennes avec les films « Hors-la-loi » de Rachid Bouchareb et « Des Hommes et des Dieux » de Xavier Beauvois. Il y a quelques jours, lors de sa visite à Chypre, le Pape Benoit XVI s’est exprimé sur la situation des Chrétiens d’Orient. Je voudrais rapprocher ces deux événements en évoquant ici la grande figure de l’Emir Abdel Kader.
Les gens de ma génération se souviennent que dans leurs livres d’histoire figurait une une représentation de la prise de la Smala d’Abdel Kader par le Duc d’Aumale en 1843. Abdel Kader dirigeait alors la révolte algérienne contre l’armée française. Fait prisonnier, il fut d’abord exilé en France.
Ce que nos livres d’histoire ne mentionnaient guère, en revanche, c’est ce qu’il advint ensuite. Abdel Kader était un savant, soufi et homme de grande culture. En 1852, il partit à sa demande pour Damas où il passa le reste de ses jours. Il souhaitait vivre dans une ville arabe et musulmane, mais surtout là où avait vécu, était mort et enterré son maître spirituel, le grand mystique Mohieddine Ibn ‘Arabi. Comme lui, il pratiquait un soufisme « akhbarien », qui professe en particulier l’équivalence des croyances :
« Mon cœur est devenu capable
D’accueillir toute forme.
Il est pâturage pour les gazelles
Et abbaye pour les moines.
Il est un temple pour les idoles
Et la Kaaba pour qui en fait le tour,
Il est les Tables de la Thora
Et aussi les feuillets du Coran »
(Ibn ‘Arabi)
En 1860 eurent lieu des troubles interconfessionnels qui se traduisirent par des massacres en Syrie et au Liban. Les historiens nous disent qu’Abdel Kader s’élança sur son cheval au-devant d’une foule de Musulmans Damascènes qui voulaient s’en prendre à des Chrétiens, les harangua et leur fit rebrousser chemin, sauvant ainsi ces Chrétiens d’une mort certaine. Pendant ces événements, il recueillit chez lui et sauva environ 1500 Chrétiens (il habitait une demeure au milieu d’un vaste jardin).
A sa mort en 1883, il fut enterré à Damas auprès de son maître spirituel, comme il l’avait souhaité, dans une mosquée du quartier populaire de « Cheikh Mohieddine » (« le vivificateur de la religion »), situé sur les flancs du mont Qassioun et qui porte le prénom d’Ibn ‘Arabi. En 1965, le gouvernement algérien fit rapatrier ses cendres à Alger.
Le quartier de « Cheikh Mohieddine » est connu des Damascènes : il abrite un marché aux légumes et aux fruits très bien approvisionné. J’ai vécu dix ans à Damas. En allant faire ses courses dans ce quartier, le vieil agnostique que je suis est souvent entré dans la mosquée d’Ibn ‘Arabi pour se recueillir et méditer sur sa tombe et sur celle d’Abdel Kader.
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Aujourd'hui 24 mars 2010 plus qu'un autre jour, j'avais envie d'évoquer Mahmoud Darwich, l'homme, le poète, le lecteur de ses propres textes aux inflexions sonores uniques.....
Il y a peu de temps lors d'une lecture je faisais un pont de similitudes entre Mahmoud Darwich et l'émir Abdelkader, leurs quêtes de tranmission semblables. la terre, la civilisation, le legs, le souffle, et tant d'autres choses.....
" Comment écrire au dessus de nuages le legs des liens ? Et les miens
Quittent le temps ainsi qu'ils abadonnent leurs manteaux dans les maisons, et les miens
Chaque qu'ils édifient une citadelle,
l'abattent pour dresser
Une tente qui abritent leur nostalgie du premier palmier.Les miens trahissent les miens
Dans les guerres de la défense du sel.Mais
Grenade est d'or
De la soie des mots brodés d'amandes, de l'argent des larmes dans la corde du luth.
Grenade est toute à la grande ascension vers elle-même."(...)
Au dernier soir sur cette terre M.Darwich
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