Portrait de l'émir Abd-el-Kader [non présent sur le fort

] (BH1083)

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Lecture par un jeune comédien de l'ERAC

Portrait de l'émir Abd-el-Kader, "beau soldat et beau prêtre", qui fut l'adversaire le plus redoutable de l'armée française. Lettré raffiné, d'une grande intelligence, il sera néanmoins emprisonné, notamment au château d'Amboise. En juin 1830, la prise d'Alger décidée par Charles X est une opération de prestige conduite à des fins de politique intérieure. Héritant de cette encombrante conquête, Louis-Philippe hésite entre l'évacuation des troupes (demandée par l'Angleterre et les libéraux) et leur maintien (souhaitée par une opinion publique patriotique). L'annexion de l'Algérie est finalement proclamée en 1834. La conquête du territoire commence. Alternant défaites et victoires, l'armée d'Afrique s'en tient jusqu'en 1837 à une occupation côtière, laissant le reste du pays sous le contrôle de l'émir Abd el-Kader. Mais, à partir de 1840, la France s'engage dans la conquête du pays tout entier, menant pendant plusieurs années une guerre sans merci à l'émir, affaibli après la spectaculaire prise de sa smala en 1843, et définitivement vaincu en 1847. (Illustration Musée de l'Armée à Paris, reprise dans l'ouvrage Yousouf, esclave, mamelouk et général de l'Armée d'Afrique de Edmond JOUHAUD, cote BH1083)
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Lecture par Fernand Catry, étudiant à l'Ecole régionale d'acteurs d'une lettre écrite par Abd-el-Kader pendant sa captivité : "Quelle perplexité est la mienne ! Que faire ? Je suis à bout de forces. Inutile ! A quoi bon poursuivre ? Vois ! Mon être tout entier est près de se diviser et de se disperser. Tantôt je fonds comme la neige dans l’eau : elle fait retour à son élément originel et s’y dissout. A chaque fois que j’ai dit : « Voici l’issue ! » on la referme devant moi : je ne puis surmonter l’obstacle... J’implore un Protecteur et n’obtiens nul secours ; personne pour me donner asile ou pour me repousser ! Y a-t-il un remède à ce mal incurable ? Absurdité ! Folie ! Il n’y a plus d’espoir. […] Si tous les trésors du monde étaient déposés à mes pieds, si tous les trésors de la terre pouvaient tenir réunis dans les pans de mon burnous et s’il m’était donné de choisir entre eux et ma liberté, je choisirais ma liberté. [...] A chaque fois que j’imagine à tort quelque répit je me vois plus accablé encore. Mes entrailles sont des feux de désir, des brasiers. Dût l’ensemble des mers se déverser sur eux redoublant leur ardeur. La brise légère du Nedj en se mouvant les embrase ; des vents de toutes sortes les attisant tour à tour. Même si je buvais toute l’eau de la terre je ne pourrais étancher ma soif. Chaque fois que j’ai dit : « Nos demeures à présent sont proches » - Je n’ai pu me consoler d’eux : la proximité gonfle ma peine. Elle ne m’apporte aucune guérison pas plus que l’éloignement n’est profit. La proximité ? C’est l’amour qui me ravage et me laisse éperdu. L’éloignement ? C’est un désir ardent qui me scinde et me déchire l’âme. O mon cœur blessé – qu’ils soient proches ou lointains – Le remède est inaccessible et je demeure en ma folie ! O cœur de mon âme, tu fonds sous la brûlure et le chagrin ! O mon regard, tu ne cesses d’être noyé de larmes ! J’interpelle et questionne au sujet de cette âme, et c’est moi en vérité qui l’égare ; - la folie, on le dit, est de diverses sortes ! – Eperdu, je vais en tous sens ; j’interroge qui je rencontre ; je n’évite ni marcheurs ni cavaliers. Je leur dis : «  Celui qui me réunira à moi-même, où donc est-il : que je sois à lui pour toujours ? » J’interroge encore sur la haute terre où est l’emplacement de ma tente - Je recherche avidement ... la fraîcheur des deux oasis, Demeures où sont mes campements de printemps et d’été - Depuis que je naquis jusqu’au temps où je devins semblable à la saison d’hiver..."