L\'Emir Abd el Kader

Restes mortuaires de resistants algeriens au Muséum de Paris

 

 Restes mortuaires de resistants algeriens au Muséum de Paris

 
 
 
 

jun 23, 2011

MISE AU JOUR DE RESTES HUMAINS DANS LA GROTTE DE NEKMARIA DAHRA

 

MISE AU JOUR DE RESTES HUMAINS

DANS LA GROTTE DE NEKMARIA DAHRA

 

Après notre découverte au début du mois de mars dernier des restes mortuaires de plusieurs dizaines de résistants algériens à la colonisation, au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, d’autres martyrs ont été découverts il y a quelques jours ( 17 JUIN 2011) par un universitaire de Mostaganem. Ceux-là n’ont pas été décapités par les français aidés de leurs valets indigènes, mais enfumés –asphyxiés et suffoqués, comme dans un four crématoire- par les généraux français, en 1845. Pensant fuir les colonnes de l’armée française, ils avaient trouvé refuge par centaines, dans les Grottes du Dahra.

Leur nombre s'élevait à environ un millier. Approximativement le double des victimes d’Oradour-sur-Glane, un village du Limousin qui fut le théâtre le 10 juin 1944, de la tuerie par l'armée allemande de 642 villageois.

Ali Farid Belkadi. 23/632011.

 

 

 

 

 

 

MISE AU JOUR DE RESTES HUMAINS

DANS LA GROTTE DE NEKMARIA DAHRA

 

 

 

Saint Arnaud Pélissier.

Colonel Pélissier.

Le 12 août 1845, Saint-Arnaud fait murer les entrées de la Grotte : « Le 12, je fais hermétiquement boucher les issues, et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n’est descendu dans les cavernes, personne... que moi ne sait qu’il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français. ».(...) « Ma conscience ne me reproche rien. J’ai fait mon devoir de chef, et demain je recommencerai, mais j’ai pris l’Afrique en dégoût. » Le dossier des emmurés de Saint-Arnaud restera confidentiel.

 

Mise au jour de restes humains dans la grotte de Nekmaria

Par Yacine Alim, El Watan, le 21 juin 2011 :

 

Ces ossements humains gisent sous terre depuis exactement 166 ans (© Aziz)

 

 

 

 

"Arrivé au fond de la grotte, à plus de 3 m de profondeur, le groupe, composé de jeunes, d’adultes et même d’enfants, tous fils de la région, met alors au jour des ossements humains ainsi que des reliques.

Pour la première fois depuis 166 ans, la grotte de Nekmaria, connue sous le nom de Ghar El Frachih, 80 km à l’est de Mostaganem, en plein massif du Dahra occidental, livre ses secrets. Aidé par des habitants de Nekmaria et du douar El Frachih, un universitaire de Mostaganem, qui accompagnait une équipe de l’ENTV venue couvrir la commémoration des enfumades du Dahra, organisée sous l’égide de l’université de Mostaganem, est descendu au fond de la grotte à travers un étroit passage. Arrivé au fond de la grotte, à plus de 3 m de profondeur, le groupe, composé de jeunes, d’adultes et même d’enfants, tous fils de la région, met alors à jour des ossements humains ainsi que des reliques.

L’exploration n’a été possible que grâce à l’utilisation de lampes torches rudimentaires. Elle a duré près de 30 longues minutes, un temps qui a paru immensément long eut égard à la sacralité de l’endroit et aussi à la présence avérée de restes humains qui gisent sous terre depuis exactement 166 ans. En effet, c’est ce même jour de juin 1845 que Pélissier et ses soldats entreprirent de mettre le feu aux entrées des grottes où s’étaient réfugiés les Ouled Ryah. L’exploration a vite permis de mettre à jour quelques objets ayant appartenu aux Ouled Ryah, notamment un bâton taillé dans du thuya et qui sert à maintenir les tentes des nomades ; il sert également à entraver les chèvres et les brebis.

Dans leur tâtonnement sous les pierres et dans un épais manteau de poussière, les explorateurs sont parvenus à extraire des os humains, dont un péroné en parfait état de conservation, une omoplate ainsi que plusieurs vertèbres cervicales.

Preuve irréfutable

Cette grotte est connue pour avoir été le théâtre d’une terrible enfumade fomentée par le colonel Pélissier les 18 et 19 juin 1845. Connu pour être l’un des pires massacres commis par l’armée française d’occupation, cette enfumade avait entraîné la mort, après de terribles et interminables souffrances, de plus de 1200 personnes, dont des vieillards, des femmes et des enfants appartenant tous à la tribu des Ouled Ryah, de fiers montagnards du Dahra qui ont été pourchassés jusque dans ce refuge par une colonne de 2500 hommes sous les ordres du colonel Pélissier. Ce dernier avait fait amasser des fascines avant d’y mettre le feu que la troupe entretiendra deux nuits durant, asphyxiant hommes et bêtes.

Cette mise à jour d’ossements humains intervient quelques jours à peine après la visite d’Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères qui n’a pas hésité à balayer d’un revers de la main toute forme de reconnaissance des crimes et massacres coloniaux commis à l’encontre du peuple algérien par l’armée française d’occupation et, ce, durant 132 ans. Ce péroné, cette omoplate et ces vertèbres, remontés par les descendants des Ouled Ryah, en ce jour anniversaire des enfumades, sont la preuve irréfutable des horreurs commises sur des innocents. Elles sont une preuve éclatante que, malgré les reniements et les escapades de l’ancienne puissance coloniale, ces ossements, qui ressurgissent plus d’un siècle et demi après avoir été ensevelis, rappellent combien l’histoire coloniale a été injuste et sanguinaire. Cette découverte, qui intervient 166 ans, jour pour jour, après ces massacres, démontre que l’histoire des massacres coloniaux reste à écrire".

 

Pour en savoir plus, voir le blog de Aziz Mouats, chercheur à l’Université de Mostaganem : http://boussayar.blogspot.com

Notes

[1] El Watan, édition du 18 juin 2011 : http://www.elwatan.com/actualite/al..

 

 

 

Aziz Mouats, un chercheur de l'Université de Mostaganem (à l'Ouest de l'Algérie) écrit: :

" Partis de Mostaganem à 16 h 30, nous traversons les localités de Benabdelmalek Ramdane, Hadjadj et Sidi Ali et nous nous dirigeons vers Nekmaria. Nous arrivons à 17h30 précises au douar Frachih où nous attendaient des descendants des Frachih et des Ouled Ryah. Après un premier plan effectué à partir du douar vers la grotte située en contrebas, nous rejoignons le plateau qui domine la grotte où nous abandonnons nos véhicules pour entamer la lente descente vers la grotte. Arrivés sur le site à 17h45, nous nous engageons à l’intérieur de la grotte principale, celle dont l’entrée est visible de l’extérieur. Mais grâce à l’obligeance de nos hôtes, je me vois contraint d’accepter l’invitation qui m’est faite de m’introduire dans une grotte dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Le voyage au bout de l’enfer venait de commencer pour moi. Je me glisse difficilement à travers l’étroit conduit qui s’offre à moi. Mes jambes sont rudoyées par les parois rugueuses, mais je n’avais plus le choix, je devais continuer à avancer dans l’obscurité, puis soudain, une vague de fraicheur me happe vers le bas. Je suis dans une cavité remplie de cailloux de différentes tailles et surtout un énorme matelas de poussière. Autour de moi, comme des lutins des jeunes s’agitent comme s’il s’agissait de leur maison de campagne. Puis commence rapidement le moment que je craignais le plus : la rencontre avec les restes des Ouled Ryah. Pour la première fois depuis 166 ans, la grotte de Nekmaria, connue sous le nom de Ghar El Frachih, 80 km à l’est de Mostaganem en plein massif du Dahra occidental, livre ses secrets".

 

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Le Colonel Rinn écrit à propos de cette affaire :

« Affaire des Grottes du DAHRA –du 19 au 20 juin 1845 » Bulletin de la société de géographie d’Alger , 1903.

«Le colonel Pélissier, ayant quitté Orléansville avec la plus grande partie des troupes qui opéraient primitivement sous Bugeaud, pénètre dans le Dahra en remontant L’oued Taghia , il razzie les Beni Zentis et dévaste le territoire des Ouled Riah qui sont restés en armes. Le 17 juin ; une fraction de la tribu entre en négociation ; les pourparlers n’aboutissent pas : les négociateurs se retirent pour convoquer une djemaa des rebelles, et dans la nuit du 17 au 18 juin a lieu une attaque du camp français : cette attaque set repoussée. Le 18 juin, au matin Pélissier sachant dans quelle direction va s’effectuer la retraite de l’ennemi, marche vers ce but avec deux bataillons d’infanterie, sa cavalerie , le makhzen -harkis de l'époque- et un canon. Il voit les insurgés se réfugier dans les célèbres grottes de Ghar El-Frachich. Un millier de personnes environ –hommes, femmes, enfants- se sont ainsi retranchées avec du bétail et des bagages dans les grottes qu’elles croient inexpugnables. Le colonel Pélissier s’établit aussitôt sur le massif des grottes , fait reconnaître leurs issues et dispose un système d’embuscade qui les commandent : puis il fait sommer les assiégés de se rendre. Ceux-ci répondent par des coups de fusils. Quelques cavaliers du makhzen essaient de renouveler les sommations et s’approchent en parlementaires : l’un d’eux est tué d’une balle au cœur. Il faut les enfumer comme des rats. Dans le but de rendre aux insurgés la position intenable, le colonel fait alors confectionner des fagots que l’on entasse devant l’entrée supérieure du repaire que l’on enflamme. Le feu est entretenu toute la journée, mais les assiégés ne sortent point .Le soir tombé, on cesse d’alimenter le foyer .Le magnifique clair de lune (sic) qui illumine la campagne garantit que nul ne sortira sans être vu des sentinelles. La nuit se passe dans le calme. Au point du jour les travaux des assiégeant recommencent .Les corvées nombreuses rassemblent du bois et de la paille et confectionnent des fascines. Au matin, le Khalifa Sidi El Aribi , averti par le Caïd des Zerrifa, fait connaître les dispositions des assiégés. Les travaux sont suspendus. Des chaouchs sont envoyés aux rebelles qui se consultent. Les pourparlers, commencés dès sept heures, se poursuivent jusque vers dix heures, les indigènes hantés par la terreur qu’inspire la prison de Mostaganem, la tour des Cigognes. Après bien des hésitations, sur les promesses qu’ils ne seront point emmenés en captivité, ils se décident enfin à mettre bas les armes. Ils commencent à sortir en colonnes lorsque l’un d’eux s’écrie que le camp français se retire. la condition est inadmissible : Pélissier le leur signifie immédiatement. Tous rentrent alors dans les grottes. Le quart d’heure s’écoule, seuls deux frères qui s’étaient employés comme négociateurs se séparent de la foule obstinée. Quelques instants plus tard les assiégés manifestent leur hostilité en blessant un chasseur d’Orléans qui avait commis l’imprudence de se découvrir. Aussitôt les travaux préparatoires de l’enfumage sont repris et poussés activement jusqu’à midi. A une heure les buchers sont prêts. A trois heures de l’après-midi, les buchers sont allumés sur tous les points : le feu ensuite est assidument entretenu (...) et sur l’ordre du colonel l’opération est continuée sans répit. Bientôt, sous l’effet de l’intense chaleur dégagée aux extrémités de la caverne, un tirage de fumée s’est établi entre les diverses issues ; la paille enflammée s’y engouffre, la force du feu est telle que les flammes atteignent le sommet des roches environnantes. Toute la nuit, sous les yeux de leur chef, qui ne songe à prendre du repos que vers minuit (sic), les soldats nourrissent les fournaises. Le carnage Enfin ; une heure avant le jour, des explosions s’étant fait entendre à l’intérieur des grottes, a lieu l’épilogue du drame. Il faut en lire le récit dans la relation de 1857, où Pélissier, après douze ans, a pu rendre en peu de mots la forte impression qui se grave dans son esprit et ou s’exprime toute sa rude énergie de vieux soldat : « Le matin, un parti pensant à sortir, un autre, par compression, retenait ceux « que guidait une pensée de soumission. (...) c’est alors que s’offrit les hideux spectacles de gens s’affaissant les uns sur les autres. Une ambulance volante fut établie sans retard dans le ravin des « hommes furent en masse chercher de l’eau bref on parvint à en sauver une « soixantaine ; mais le milieu était si nauséabond, si délétère que de l’avis des « médecins l’opération de sauvetage fut suspendue (...) Plus de 500 insurgés, dit le rapport officiel, avaient succombés. L’officier espagnol dont nous avons signalé la lettre, parle de 800 ou 1000 victimes, ce dernier chiffre parait près de la vérité. Il est confirmé par le chiffre précis fourni par la lettre d’un soldat du corps expéditionnaire : ce dernier nous apprend que 760 cadavres furent comptés dans la journée du 20 juin – et il semble bien n’ait pas vidé complètement les grottes- « Rien ne pourrait donner une idée, dit l’officier espagnol, de l’horrible spectacle que présentait la caverne. Tous les cadavres étaient nus, dans des positions qui indiquaient les convulsions qu’ils avaient dû éprouver avant d’expirer, le sang leur sortait par la bouche. » Tels sont les faits, tels qu’on peut les établir avec certitude en prenant pour texte fondamental celui du rapport officiel du 22 juin 1845 et en contrôlant ce document par les autres récits en notre possession. La Colère d’un seul député peut elle sauver l’honneur souillé ? L’exécution des Ouled Riah –que l’on tienne ou non pour légitime et nécessaire- dépassait en horreur les limites coutumières et tolérées par la sensibilité des lecteurs des quotidiens. Quand la nouvelle en fut connue, elle provoqua une immense émotion. Malgré la discrétion du commandement, l’Algérie tout entière connut bientôt le drame des Frachich. L’Akhbar, journal ministériel et gouvernemental ne crut pas devoir cacher à sa clientèle un fait qu’elle n’ignorait déjà plus : il inséra un article où il exposa sous le jour le plus favorable le chef de la colonne. Dès lors, la nouvelle était dans le domaine public et le 11 juillet 1845 eut lieu, à la chambre des pairs, la fameuse interpellation de Prince de la Moskova, aide de camp de Napoléon. Nous la reproduisons en partie, d’après Le Moniteur Universel « Monsieur le Prince de la Moskova – messieurs, un journal qui se publie en Algérie, contient un fait inouï, sans exemple et heureusement sans précédent dans notre histoire militaire. Un colonel français se serait rendu coupable d’un acte de cruauté, inexplicable, inqualifiable à l’égard de malheureux arabes prisonniers. Je viens demander au gouvernement de s’expliquer sur de fait. Je le réclame, et comme officier de l’armée et comme pair de France. J’exprime les sentiments des officiers de l’armée. Il est de l’honneur de l’armée comme il est de la dignité du gouvernement, que de pareils faits soient démentis ou désavoués hautement par M. le Ministre de la guerre. Remarquez, messieurs, qu’il n’est pas question ici de razzias, mais d’un acte déplorable, d’un meurtre consommé avec préméditation sur un ennemi vaincu, sur un ennemi sans défense. » Colonel RINN.

 

 

Beaucoup plus simplement dit, il s'agit d'un Crime contre l'humanité, comme ce fut le cas pour Ouradour-sur-Glane.

Ali Farid BELKADI

 

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jun 22, 2011

Lettre ouverte d'un anthropologue à Khalida Toumi

Lettre ouverte d'un anthropologue à Khalida Toumi

Par Le Matin DZ | Il ya 17 heures 16 minutes | 140 lecture(s)
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Au cours du mois de juillet 2009, j’ai adressé à Mme Khalida Toumi, Ministre de la Culture, une lettre -en recommandé avec accusé de réception- dans laquelle je lui faisais part d’un projet original, dans le cadre de mes compétences. Mon intention était de révéler à nos enfants et au public algérien non familiarisés avec les composantes de notre histoire plusieurs fois millénaire, les myriades de stèles libyques (*) et phéniciennes faisant partie du patrimoine immémorial de l’Algérie

Les mois ont passé. Aucune réponse n’est venue de la part de la ministre de la culture. J’ai adressé une nouvelle lettre à Mme Toumi, restée également sans réponse. C’est alors que j’ai découvert le site Web du ministère de la culture, j’ai alors adressé cette fois un émail à Mme Yahi, la chef de cabinet de la ministre, en ces termes :

« Madame Yahi Zéhira. Si vous rencontrez Mme Toumi dans les couloirs, dans son bureau ou entre deux petits fours, soyez aimable de lui rappeler ma lettre du mois de juillet dernier, restée sans réponse à ce jour 14 décembre 2009, contrairement aux règles de la bienséance les plus élémentaires. Avec mes salutations chaleureuses. P.S : Je vous adresse en Pièces jointes la copie de cette lettre.

Ali Farid Belkadi, le 14 décembre 2009 à 15 heures.

Mme Yahi me répond quelques heures plus tard :

« Bonjour monsieur, Malgré le ton fort désagréable de votre email, j'ai lu avec intérêt votre courrier et, après recherches, vous affirme que nous ne l'avons jamais reçu. Afin de remettre votre lettre, dont le contenu est fort intéressant, à madame la ministre, je vous serais reconnaissante de bien vouloir m'envoyer les pièces jointes auxquelles vous faites référence. Parfaite considération, Zéhira Yahi ».

J’ai (re)envoyé par émail le courrier à Mme Yahi, auquel j’ai joint un épais fichier de plusieurs mégaoctets, qui incluait une série de photographies personnelles prises dans les réserves du Musée du Louvre. J’ai assemblé à mon courrier des extraits documentaires tirés de mes archives particulières, consacrées à l’antiquité. Ainsi que les copies de contributions à deux colloques, parues dans des publications spécialisées.

Cette fois-ci c’est une autre personne du ministère qui se manifeste par émail. Elle m’écrit :

« Bonjour M. Belkadi, Je suis désolée, je n'arrive pas à ouvrir vos documents, voulez-vous bien nous les renvoyer sous un autre format. Merci. (Mme H... Assistante de Mme la ministre de la Culture) ».

Quelques instants plus tard je reçois l’émail :

« Bonjour Monsieur, J'ai bien reçu vos documents. Merci. (Signé : Mme H...) ».

Depuis ce message électronique qui porte la date du 21/12/2009, je n’ai plus eu de nouvelle du ministère de la culture.

Ma lettre du 9 juillet 2009 à Mme K. Toumi disait ceci :

« Madame la ministre. Depuis quelques jours, grâce à l’obligeance de la Conservatrice générale, je fais un travail de dénombrement des inscriptions libyques et puniques de l’Algérie, qui sont conservées dans les réserves du musée du Louvre. Il s’agit des inscriptions Libyques (ancien-berbère) et celles puniques d’El-Hofra (Constantine). Ce site n’existe plus, des édifices modernes s’élèvent de nos jours sur son emplacement. Al-Hofra-Cirta la punique par son importance, vient juste après Carthage de Tunisie, par le nombre d’inscriptions qui y furent découvertes.

· Plus de mille deux cents (1200) inscriptions libyques dont certaines datant du V° siècle avant J.-C. ont été mises au jour en Algérie, contre seulement treize (13) en Tunisie, dont de très maigres fragments.

· Le site d’Al-Hofra qui date du III° siècle avant J.-C. et ses quartiers de Constantine renfermaient un millier de stèles puniques écrites ou anépigraphes.

Madame La ministre (...) En ce début du XXI° siècle, avons-nous des idées originales à réaliser sur cette terre algérienne ou alors sommes-nous moutonnant, toujours à la traîne de ce qui se vit en occident ? (...) Mon idée consiste à restituer l’ensemble des stèles Libyques et Puniques à notre pays. Il ne s’agit pas de faire revenir dans nos musées les monuments originaux disparus à jamais, détruits ou subrepticement soustraits par les collectionneurs de l’époque coloniale à notre pays (...) Les musées occidentaux sont les hauts-lieux de la rapinerie universelle, à grande échelle, cela est connu (...) Le travail que je vous propose aujourd’hui dépasse mes moyens financiers et il ne saurait être convenablement accompli que dans un cadre officiel, avec votre caution et les garanties indispensables (...) Très peu de pays dans le monde connaissaient l’écriture à la fin du néolithique, notre pays en est pourvu d’est en ouest et du nord au sud. Nos ancêtres étaient lettrés, c’est ce que mon projet proclame. La France analphabète il y a deux mille ans, ne renverra jamais ces monuments savants qui appartiennent aux algériens, il s’agit de prises de guerre, c’est aussi une façon de confisquer les fondements de notre culture nationale. Ainsi reproduites, ces stèles qui représentent une infime facette de notre patrimoine antique, iront embellir nos écoles et les salles de nos musées. Afin que les générations futures se rappellent qu’elles ne sont pas issues du processus de génération spontanée (...) Il faut sans cesse apprendre et réapprendre à nos enfants qu’ils sont des êtres vivants issus d’aïeuls lettrés, qui nous ont laissé des traces jamais égalées nulle part ou alors dans de rares pays, dont ils devraient être fiers. Nos ancêtres qui savaient lire et écrire, furent de grands créateurs du beau, des réalisateurs d’idées, des confectionneurs d’art culturellement motivés, leurs apports aux différentes civilisations du pourtour méditerranéen ont été légitimés par le temps depuis la préhistoire. Nos ancêtres ont participé magistralement à tous les siècles marquants qui firent l’humanité (...) Ces reproductions si elles sont exécutées, devront également toucher par la suite l’art rupestre et les inscriptions des différents Tassilis -de Djanet, et de Tamanrasset- il faut faire entrer l’art rupestre dans les écoles primaires et élémentaires, en les reproduisant au millimètre prés. De nos jours, ces sites prodigieux de l’histoire antique et de l’archéologie algérienne demeurent inaccessibles aux visites publiques, aux promenades scolaires ainsi qu’aux circuits touristiques. Le projet que je vous soumets est facilement réalisable, les techniques et les connaissances existent. Restent les moyens budgétaires. Je peux dors et déjà agir, si vous m’en donnez les moyens. Restant à votre entière disposition, dans l’attente de votre aimable réponse, je vous prie d’agréer Madame la Ministre l’expression de mes sentiments distingués ainsi que ma haute considération ».

Ali Farid Belkadi, le 9 juillet 2009

Tel était mon projet, exposé à la ministre de la culture, que je pensai sociable et prévenante dès lors qu’il s’agissait de la culture historique de l’Algérie. Une année plus tard, en janvier 2011, j’ai appris par inadvertance, par voie de presse la tenue d’une exposition sur les phéniciens « Les phéniciens et l' Algérie L’Empire de la mer » organisée par la ministre de la culture à Alger, avec l‘aide abondamment rétribuée de spécialistes italiens, cette exposition, fut annoncée ainsi par un journal : « A travers un parcours en zigzag, le visiteur peut découvrir une mosaïque d'objets en provenance des différents musées nationaux de plusieurs villes algériennes, qui traduisent la relation tissée entre les populations numides et les navigateurs phéniciens venus de l'Orient à la recherche de matières premières. Organisée dans le cadre de la coopération culturelle algéro-italienne »...

Je ne prétends nullement que mon, idée a été usurpée. Seulement Madame Toumi n’a jamais répondu à mes lettres, je n’ai pas eu d’invitation à cette exposition prétentieuse, onéreusement agencée.

Parlons phénicien ! À ma connaissance les chercheurs algériens, ne se bousculent pas aux symposiums qui traitent de ces sujets pointilleux. Pour ma part je n’en ai jamais rencontré, nulle part. Si ce n’est pas voie de journaux dans une exposition ministérielle algérienne accommodée au goût des latins. La culture git bel et bien dans des aires giboyeuses, euro-productives et de préférence rentables par dessus les eaux azuréennes de la méditerranée.

 

Ali Farid BELKADI

alifbelkadi (at) aol.com

(*) Le mot libyque employé ici, désignait à l’origine l’ensemble des pays du Maghreb, et les phéniciens un peuple originaire de l’actuel Liban, de la Palestine et de la Syrie, qui fonda vers 3000 avant le présent de nombreux sites en méditerranée, dont la Carthage de Tunisie –il y eut plusieurs Carthage- au cours du IX° siècle avant J.-C.

 

12:10 Ecrit par alifaridbelkadi dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Envoyer cette note

 

jun 17, 2011

Ma lettre aux savants

Lettre aux savants

 

Madame, Monsieur, Chers collègues,

J’ai pris connaissance de votre contribution à un récent symposium, consacré aux « collections anatomiques aux objets de culte et traitement des restes humains conservés par les musées », qui a eu lieu à Paris, au musée du quai Branly les 22 et 23 février 2008. Dans le cadre d’un travail sur le XIX° siècle, lié à la colonisation française de l’Algérie, j’ai rédigé il y a quelques années, une série d’articles pour les journaux. A la suite de cela j’ai pensé qu’il serait peut-être plus honorable pour moi, de rechercher les restes mortuaires de résistants algériens à la colonisation, conservés dans les musées français.

 

Des auteurs français de l’époque coloniale en avaient vaguement parlé dans leurs écrits, dans des petites notes sibyllines figurant en bas de page de leurs ouvrages, dont l’historien Stéphane Gsell.

Cette quête douloureuse de segments de corps, de personnages héroïques hors du commun de mon pays, m’a pris du temps. Après de longs mois de recherche, les résultats heureux sont venus. Au début du mois de mars dernier, j’ai pu garder quelques instants en mains dans les réserves du MNHN de Paris, le crâne sec de Mohammed Lamdjad Ben Abdelmalek surnommé Boubaghla « l’homme à la mule ». Il n’avait pas été approché de la sorte depuis 1880. En même temps que le crâne de Boubaghla, j’ai retrouvé les restes mortuaires d’une quarantaine de résistants algériens de la même époque, gisant dans des boîtes au MNHN de Paris.

Les voilà donc, comme des phénix jaillis de leurs cendres, au cœur de la mémoire algérienne, pour valoir ce que de droit. Vous le savez, les choses sont différentes, entre les algériens qui ont subi des actes de barbarie et de cruauté durant la colonisation française de leur pays (1830/1962), et les upoko tuhi têtes tatouées maoris, Saartjie Baartman la Vénus hottentote, les têtes réduites Jivaro, les crânes dits « surmodelés » d'Océanie, les restes qui agrémentent divers objets, tels que les flûtes en os de fémur ou les crânes tambours du Tibet.

Le Chérif Boubaghla, le Cheikh Bouziane, Moussa Al-Darkaoui, Al-Hammadi ont été exécutés avant d’être décapités par les soldats français, aidés parfois de leurs alliés indigènes. Le nom de ces résistants algériens à la colonisation figure dans d’innombrables livres d’histoire. Ce sont les trophées indus d’une guerre injuste, honnie par les consciences équitables de notre époque. L’état de belligérance entre l’Algérie et la France est pourtant terminé, il a été déclaré officiellement clos lors de l’indépendance de ce pays, survenue le 5 juillet 1962. Pourtant ces reliques de la colonisation française sont toujours là. Ces « pièces » que certains esprits retors continuent de travestir d’une terminologie scientifique voire même culturelle approximative, proviennent d'actes de barbarie inavouables. Ces restes mortuaires accumulés subrepticement au cours du XIX° siècle par des musées français, constituent désormais, selon certaines lois partisanes, des biens propres, patrimoniaux de l’État français.

Il n’y a aucune loi à interpréter, travestir ou commenter, il n’y a qu’un simple état d’esprit dont on perçoit encore les contradictions et les atteintes aux règles déontologiques les plus élémentaires, en France.

Ces restes mortuaires ne présentent aucun rapport avec les stèles archéologiques d’origine libyque ou punique, qui ont été subtilisées aux algériens au cours du XIX° siècle avant de finir, marginalisées, emballées dans des bâches en plastique dans les stocks culturels tabous du musée Louvre. J’ai eu la satisfaction d’étudier ces stèles dans un lieu souterrain, situé quelque part au-dessous de la pyramide du Louvre. Cela est une autre affaire.

Dans le cas présent, il s’agit de restes mortuaires, d’intrépides et vaillants guerriers algériens. Il faut que ces restes mortuaires humains soient restitués à l’Algérie et aux algériens.

Soyons honnêtes, ces restes mortuaires de résistants algériens sont conservés au MNHN de Paris depuis plus d’un siècle à l’écart de toute étude réfléchie à caractère scientifique. Leur maintien dans les collections du MNHN de Paris n’a jamais occasionné un quelconque bond en avant à la science universelle. L’ancien maire de Rouen P. Albertini a reçu des correspondances édifiantes de responsables de musées, qui lui reprochaient de heurter la science au nom du respect de sentiments religieux primitifs, en l’occurrence maoris. Mr Albertini avait donné un avis favorable au retour des upoko tuhi en terre maorie. Au nom de la science, certains refusaient aux têtes maories le retour à leur terre natale. Leur place était dans un musée français, dit-on encore par ci par là.

L’idéalisation de Mohammed Lamdjad Ben Abdelmalek surnommé Boubaghla « l’homme à la mule », est toujours vivace, dans l’imagerie populaire algérienne, au même titre que les autres résistants algériens dont les restes sont conservés au MNHN de Paris. Aucun algérien ne permettra que le rapatriement de ces restes, soit fait dans un but de recherche scientifique en Algérie. La tête de Boubaghla ne sera pas exposée, ni conservée dans les réserves d’un quelconque musée algérien. Cette singulière pratique ne se rencontre pas en Algérie, sauf dans les facultés de médecine, comme partout dans le monde.

Le but du rapatriement de ces restes, pour lequel je me bats, étant l’inhumation exclusivement, dans l’honneur qui leur est dû dans la terre pour laquelle ils ont combattu. Il ne s’agit donc pas d’opposer des raisons scientifiques à une quelconque tradition ancestrale primitive, comme ce fut le cas des upoko tuhi maoris.

Albert Einstein disait : « La science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle ». La science qui consiste à collectionner des fragments de corps, amoncelés de manière informelle sous la désignation vaporeuse de : « matériel culturel sensible », (acquis la plupart du temps de manière interlope), est l’hérésie même du mot science. Cela revient à dénier à la déclaration des droits de l’homme dont s’enorgueillit la France depuis 1789, de parler au nom de l’être humain, pour peu que l’on veuille bien la relire. Cette déclaration qui s’adresse à l’homme dans sa souveraineté primitive, devrait concerner en filigrane les morts, au même titre que les tombes lorsqu’elles sont profanées. Il m’a été permis de voir personnellement, d’immenses fresques du peintre Horace Vernet, qui sont conservées dans les réserves du Musée de Versailles, elles ne sont pas exposées dans les salles publiques, pour ne pas offusquer la sensibilité raffinée de gens cultivés. Ces toiles d’Horace Vernet représentent des tombes musulmanes béantes, le marbre détruit, profanées par les soldats du corps expéditionnaire français, brandissant des restes de cadavres au bout de leurs baïonnettes. Depuis des décennies, aucun conservateur du musée de Versailles n’a eu le courage de montrer ces œuvres du grand Horace Vernet au public. Ces fresques sont, depuis toujours, en (état permanent de) restauration. C’est également une autre histoire.

Il ne saurait exister un quelconque droit de propriété concernant ces restes mortuaires qui sont conservés au MNHN de Paris. Il serait moral et éthique au plus haut point, au XXI° siècle, que ces restes mortuaires de résistants algériens soient remis à leur communauté, pour être inhumés convenablement dans leur sol natal.

La déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été adoptée par l'assemblée générale du 13 septembre 2007, à laquelle la France a adhéré, prescrit dans ses articles 11 et 12, aux États membres à accorder réparation aux peuples autochtones. L'article 12 précise bien que "Les États veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples autochtones concernés."

Tout est là. Il faut que justice soit faite. Il faut tout simplement appliquer cette loi.

Je sollicite votre avis favorable, votre aide précieuse, ainsi que votre recommandation agissante pour la restitution de ces restes mortuaires de ces héros algériens à l’Algérie. Le cas échéant votre obligeante opinion sur ce douloureux sujet.

Je vous prie de croire Madame, Monsieur, Chers collègues, avec ma gratitude, en l’assurance de ma considération parfaite.

Ali Farid BELKADI

Historien

Jeudi 16 juin 2011

 

 

Destinataires :

Jean-Pierre Albert Historien, Directeur d’études à l’EHESS. Seddon Bennington, Directeur du Te Papa Museum, (Nouvelle-Zélande). Gilles Boëtsch, Anthropologue biologique, Directeur de recherches au CNRS. Michael F. Brown Lambert Prof. of Anthropology, Williams College (Etats-Unis). Abdoulaye Camara Directeur du musée de Dakar (Sénégal). Yves Coppens, Préhistorien, Professeur au Collège de France. Marie Cornu Juriste, Directeur de recherche CNRS. Jean-Paul Demoule Archéologue, Professeur à l'université Paris I, Président de l’INRAP. Renaud Denoix de Saint Marc Ancien Vice-Président du Conseil d'Etat, Membre du Conseil constitutionnel. Edward Ellison, Chair Repatriation Advisory Panel – Te Papa Museum (Nouvelle Zélande). Steven Engelsman, Directeur du National Museum of Ethnology, Leiden (Pays-Bas). Jonathan Friedman Anthropologue, Directeur d'Etudes à l'EHESS. Manlio Frigo, Professeur de droit international, Université de Milan (Italie). Jérôme Fromageau, Maître de Conférences en droit, Université Paris XI, Directeur du département de la recherche de la Faculté Jean Monnet. Alain Froment, Anthropologue biologique, Directeur de recherche IRD, Directeur de la valorisation des collections d’anthropologie du musée de l’Homme. Bertrand Pierre Galey Directeur général du Muséum National d'Histoire Naturelle. Amareswar Galla Professeur d’études muséographiques, University of Queensland (Australie). Eva Gesang-Karlstrom Directrice générale, National Museums of World Culture, Götteborg (Suède). Maurice Godelier Anthropologue spécialiste de l'Océanie, Directeur d'études à l’EHESS. Phil Gordon Coordinateur des collections d’anthropologie, Australian Museum, Sydney. Marie-Angèle Hermitte Juriste, Directrice de recherche au CNRS. Yves Le Fur Directeur adjoint responsable des collections permanentes, musée du quai Branly. Francine Mariani-Ducray Directrice des musées de France. Stéphane Martin Président du musée du quai Branly. Neil Mc Gregor, Directeur du British Museum (Royaume-Uni). Catherine Morin-Desailly, Sénatrice de Seine-Maritime, adjointe au Maire de Rouen. Claudius Müller, Directeur du musée d’ethnographie de Munich (Allemagne). Michael Pickering, Directeur du programme de rapatriement, National Museum of Australia. Juliana Rangel, Juriste, Senior Officer à la cour internationale de la Haye (Pays-Bas). Jacques Rigaud Conseiller d'Etat, ancien Président de RTL. Helen Robbins Responsable du programme de rapatriement, Field Museum of Natural History, Chicago (Etats-Unis). Markus Schindlbeck, Anthropologue, Conservateur des collections pacifique, musée d’ethnographie de Berlin (Allemagne). Dominique Schnapper Sociologue, Membre du Conseil Constitutionnel. Didier Sicard Professeur de médecine, Président du Comité consultatif national d'éthique. Samuel Sidibe Directeur du musée national de Bamako (Mali). Ian Tattersall, Curator of the biological anthropology collection, Natural History Museum de New York (Etats-Unis). Michel Van Praët Professeur au MNHN, Membre du Conseil exécutif et du Comité international pour la Déontologie de l’ICOM.



11/09/2011
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